Reine Pédauque dite
Reine aux pieds d’oison de Toulouse, capitale du royaume wisigoth
Les récits populaires ne manquent pas à Toulouse. La poésie y coule à pleins bords; on y reconnaît la patrie bien-aimée des troubadours et des jongleurs. Parmi ces récits, il en est un qui a été brodé de cent façons: c’est la légende de la reine Pédauque, la reine aux pieds d’oison, fille d’un prince païen, que saint Saturnin convertit à la foi, et qui mourut victime de la colère de son père.
On la nomme Pédauque, soit parce qu’elle aimait beaucoup les plaisirs du bain, soit parce qu’elle était d’une haute sagesse. Les pieds d’oie sont ici un symbole. Quoi qu’il en soit, il existait des restes de bains que l’on nommait les Bains de la Reine. Un aqueduc, dont on pouvait voir les ruines jusqu’en 1834, portait aussi le nom de Pont de la reine Pédauque.
Les premiers textes anciens qui l'évoquent, à l'époque de la Renaissance, font état d'une "fille de Marcellus, cinquième roi de Toulouse, nommée Austris". Selon Nicolas Bertrand (de Tolosanum Gestis publié en 1515)3, Austris était pleine de douceur, de modestie et de bonté. "Dieu ne voulut pas qu'une créature aussi vertueuse embrassât le culte païen, aussi lui envoya-t-il une lèpre hideuse".
Cachant sa maladie, Austris se tourna vers l'enseignement des saints Saturnin, Martial et Antonin d'Apamée (ou Antonin de Pamiers). Baptisée, elle guérit, mais cacha aussi sa guérison. Bertrand raconte que le roi son père lui fit construire au quartier dit la Peyralade, un magnifique palais dont une salle, dite bains de la reine, était directement approvisionnée en eau par un aqueduc. Le personnage de la reine Pédauque était semble-t-il connu des Toulousains depuis très longtemps, en ce début du XVIe siècle.
Ce souvenir ne date pas d’hier. Rabelais dit, en parlant de personnes aux larges pieds, qu’elles étaient "pattées comme des oies, et, comme jadis à Toulouse, portait les pieds la reine Pédauque".
Antoine Noguier, un autre historien toulousain, ajoute aux récits de son prédécesseur une description des bains de la reine Pédauque. Il raconte que le roi Marcellus capta une source dans l'actuel quartier Saint-Cyprien, puis fit bâtir un aqueduc pour amener ses eaux jusqu'à son palais. Il conclut en disant que Marcellus et Austris, qui est probablement la régine Pedauco, sont des personnages mythiques. Aucun Marcellus ne figure parmi les rois wisigoths de Toulouse, mais il pourrait être antérieur à leur arrivée (la chronologie est extrêmement douteuse, les trois saints cités n'étant pas contemporains). La source et l'aqueduc, aujourd'hui disparus, sont bien connus: l'aqueduc de Lardenne et le Pont Aqueduc ou Pont-Vieux. Un ensemble hydraulique (captage de sources et thermes), non loin du trajet de l'aqueduc, mais vraisemblablement indépendant, dont des vestiges subsistèrent jusqu'en 1834, s'appelait les "bains de la Régine", et plus tard "bains de la Régine Pédauque " (banhs de la regina Pedauca). Le nom gagna l'ensemble du dispositif : on parla alors de l'aqueduc de la reine Pédauque, et le pont-aqueduc qui traversait la Garonne devint le pont de la Reine Pédauque.
Eutrapel dit dans ses contes, publiés par La Herissaye, que de son temps on jurait à Toulouse par la quenouille de la reine Pédauque. Les savants se sont exercés avec acharnement sur cette reine, peu connue dans l’histoire, comme le roi d’Yvetot. Les ruines qui portaient son nom, et dont l’origine est évidemment romaine, ont donné lieu à mille conjectures et à mille dissertations. On en vint à gravement discuter sur l’existence de la reine Pédauque, et ces débats ne furent pas ce qu’il y a de moins curieux dans ce souvenir du peuple.
Selon Renée Mussot-Goulard, Pédauque est une princesse wisigothe, de la dynastie des Balthes, fille d'Alaric Ier, sœur du roi des Wisigoths Wallia et de la princesse Pélagie (femme du Comte Boniface puis d'Aetius). Elle est l'épouse de Théodoric Ier, roi des Wisigoths et lui donne deux fils Thorismond et Théodoric II, à leur tour rois des Wisigoths.
Il faut reconnaître dans le roi Marcellus des textes anciens, une allusion au dieu Mars qui est une constante des fondements de la royauté tervinge et que l'on retrouve jusque dans les champs des guerriers. Il s'agirait donc d'une allusion au roi Alaric Ier, identifié à Mars. Même si tous les rois balthes seront qualifiés par les chroniqueurs contemporains, de Mars, comme Euric par Sidoine Apollinaire.