Crèches, écoles, maisons de retraite, universités :
Auteurs- Maître de conférences en parasitologie à la faculté de pharmacie de Nancy, Université de Lorraine
The Conversation
Si le traitement de la gale est généralement efficace, en pratique, il s’avère complexe à suivre pour de nombreux patients. L’application correcte des produits destinés à éliminer l’acarien qui provoque les démangeaisons nécessite en effet de respecter des étapes précises et des règles d’hygiène rigoureuses. Voici ce qu’il faut savoir.
La gale, qui s’était faite discrète, revient en force depuis quelques années dans les écoles et les collectivités. Cette affection cutanée contagieuse est provoquée par un minuscule parasite, l’acarien Sarcoptes scabiei var. hominis.
Bien qu’il ne transmette pas de maladies infectieuses, son action sur la peau entraîne des symptômes très inconfortables. Il creuse en effet des galeries dans l’épiderme pour y pondre ses œufs. La réaction inflammatoire qui en résulte se traduit par des démangeaisons intenses, souvent insupportables la nuit. Heureusement, seule une quantité minime des œufs pondus produira des acariens adultes, car les œufs n’éclosent pas tous, et les larves qui en sortent n’atteignent pas toutes l’âge adulte.
Un risque de surinfection bactérienne
Si les plaies qui résultent du grattage ne sont pas soignées correctement, il existe un risque de surinfections bactériennes secondaires, ainsi que d’un développement d’eczéma.
Les lésions typiques de la gale, souvent sous forme de petites papules et vésicules, apparaissent principalement dans les zones de peau fine ou humide, comme entre les doigts, aux poignets, aux coudes, et parfois autour de la taille ou dans la région génitale.
Ces démangeaisons peuvent persister même après le traitement, car la peau continue de réagir aux débris d’acariens et aux œufs présents dans les galeries.
Pour éviter les grattages nocturnes qui peuvent conduire à des surinfections, il peut être préconisé de couper les ongles aux enfants. Des douches plus fréquentes permettront aussi de limiter le risque de surinfection, et d’éliminer plus facilement les acariens responsables de la gale.
La gale, une affection en progression
En 2024, la gale a connu une recrudescence en France et en Europe, touchant surtout les enfants, les étudiants et les environnements de soins.
Les taux d’infection semblent avoir augmenté considérablement depuis la période post-Covid, avec des épidémies notables dans les universités et les établissements de soins, où les contacts peau à peau prolongés et la promiscuité favorisent sa propagation. Soulignons que cette affection n’est pas liée à un manque d’hygiène.
Si certaines études révèlent une augmentation localement significative, probablement en lien avec des conditions de vie collectives, l’incidence exacte pour l’ensemble du territoire français n’est pas disponible. Son évaluation fait en effet face à divers obstacles.
La gale n’est pas une maladie à déclaration obligatoire, sauf dans le cas où elle se déclare en collectivité. Les estimations de l’incidence de la crise reposent donc sur le nombre de prescriptions médicales plutôt que sur un comptage direct des personnes infectées.
Or, souvent, les médecins diagnostiquent la maladie sur la base d’une dermatose prurigineuse appartenant à un groupe familial ou communautaire, sans faire pratiquer de confirmation systématique de la présence des parasites.
La raison en est que le test d’observation microscopique requiert l’intervention d’un dermatologue, ou d’un expert, ce qui peut s’avérer difficile à organiser. Après avoir gratté la peau avec un vaccinostyle, le prélèvement est observé au microscope afin de déterminer s’il contient des parasites. En cas de faible contamination, ce test visuel peut s’avérer négatif. De ce fait, les médecins préfèrent prescrire directement le traitement.
Soulignons que le fait que le schéma thérapeutique inclut non seulement le traitement des personnes infectées, mais aussi celui de leur entourage proche, ce qui complique la détermination de l’incidence de la maladie. Cela a en effet tendance à gonfler les chiffres de contamination, car de nombreuses personnes traitées peuvent ne pas être réellement porteuses de la gale.
Un traitement souvent mal suivi
Les trois options thérapeutiques actuelles pour le traitement de la gale consistent en un traitement oral et deux traitements locaux (appliqués directement sur la peau). Les trois molécules utilisées ont toutes une action sur le système nerveux des parasites, les paralysant et conduisant à leur mort rapide.
Le traitement par voie orale, à base d’ivermectine (nom commercial STROMECTOL®), est le plus facile à administrer, en particulier en contexte collectif.
L’ivermectine se présente sous forme de comprimés dont le dosage est ajusté en fonction du poids corporel (jusqu’à 6 comprimés pour un individu pesant plus de 76 kg. Pour les enfants de moins de 6 ans, le comprimé peut être écrasé pour faciliter son ingestion. Il doit être pris à jeun, au moins deux heures avant ou après un repas. Une deuxième dose peut être administrée 8 à 15 jours plus tard, sur avis médical.
Les deux traitements de la peau (traitements « topiques ») sont moins pratiques d’utilisation que les traitements oraux. Ils nécessitent en effet un temps minimal sans rinçage.
Le premier, l’ASCABIOL® est une émulsion à base de benzoate de benzyle. Il est utilisable dès l’âge de 1 an ainsi que chez la femme enceinte. Pour les plus de 2 ans, l’application doit se faire en deux couches à 15 minutes d’intervalle, avec un temps de contact sans rinçage de vingt-quatre heures.
Pour les femmes enceintes, on appliquera une seule couche dans les mêmes conditions, mais les données publiées sur les risques d’exposition sont peu nombreuses. Pour ce qui est de l’enfant de moins de deux ans, on appliquera une seule couche avec un temps de contact de six à douze heures en fonction de l’âge (12, 13 et 14 ans).
Le deuxième traitement topique, à base de perméthrine, est le TOBISCAB®. Il doit être appliqué en une seule couche avec un temps de contact de huit heures minimum.
La dose à appliquer dépendra de l’âge. Elle va d’une noisette à l’âge de 2 ans jusqu’à un tube entier à 12 ans et au-delà. Il faudra recommencer l’opération 8 à 15 jours plus tard.
Quel que soit le traitement, des démangeaisons peuvent persister plusieurs jours après la fin du traitement. Cela est dû à la présence des parasites morts encore présents au niveau de la peau.
L’importance du traitement de l’environnement
Bien utiliser les traitements est une chose, mais traiter l’environnement est tout aussi important pour éviter la réinfestation.
Le lendemain du traitement, quel qu’il soit, il est important de décontaminer les draps, les jouets, les tapis, les serviettes, etc. Pour cela, plusieurs options sont possibles : - les plaçer dans un sac bien fermé pendant trois jours (l’acarien ne peut pas vivre à température ambiante) ; - les enfermer trois heures durant dans un sac bien fermé en ajoutant un acaricide ; - les laver en machine à 60 °C.
Il est également conseillé d’appliquer l’acaricide sur les surfaces telles que canapé, fauteuils, etc. Une fois cela fait, il faut effectuer un lavage complet des surfaces où le produit a été appliqué.
Faut-il traiter l’entourage des personnes contaminées ?
On considère en général que l’entourage d’un patient infesté par la gale se divise en trois cercles, selon le degré de contact des individus.
Le 1er cercle se compose des personnes qui sont en contact direct avec eux : enfants, conjoint, partenaires sexuels, personnels de santé… Le second cercle est constitué par les relations qui vivent ou travaillent dans le même environnement, sans forcément de contact direct. Enfin, le 3e cercle se compose des personnes qui visitent occasionnellement l’environnement des patients.
Lorsqu’une personne a été infestée, il est important de traiter l’ensemble de ces cercles, car leurs membres ont potentiellement été en contact avec elle.
Faut-il isoler le patient ?
L’isolement du patient peut être envisagé afin de limiter la propagation. C’est en particulier le cas dans les collectivités (garderies, maisons de retraite, écoles…). En effet, dans ces lieux, le contact ne peut être évité.
S’il est généralement conseillé d’isoler le patient trois jours après le début du traitement, on peut douter que cela soit suffisant. En effet, le parasite peut vivre plus longtemps que cela sur les tissus. Par ailleurs, on sait que pour que le traitement soit efficace, une deuxième dose doit être administrée une semaine après la première.
Afin d’éviter les contaminations à répétition, il est également important de surveiller les signes de démangeaisons qui pourraient se manifester chez les personnes qui fréquentent l’environnement des individus infestés.
L’Organisation mondiale de la santé se mobilise
Pour lutter contre la gale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ambitionne d’atteindre deux objectifs au niveau mondial d’ici à 2030 : intégrer son traitement dans les services de santé couverts par la couverture maladie universelle et déployer des campagnes d’administration de masse de médicaments dans les zones où la prévalence atteint ou dépasse 10 %.
Les pays les plus touchés par la gale se situent notamment en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est, ainsi qu’en Amérique latine, le climat tropical et la surpopulation étant responsables des prévalences les plus importantes.
Pour atteindre les objectifs fixés, l’OMS travaille en étroite collaboration avec ses États membres ainsi qu’avec divers partenaires scientifiques et pharmaceutiques afin de développer des stratégies de lutte et des plans de réponse aux épidémies de gale.
L’ivermectine, désormais incluse dans la liste des médicaments essentiels de l’OMS pour traiter la gale, est proposée par plusieurs fournisseurs qui ont été préqualifiés par l’organisation.
Elle recommande également d’inscrire ces stratégies dans une approche intégrée de lutte contre les maladies tropicales négligées touchant la peau, adaptée aux pathologies spécifiques de chaque pays. Il s’agit de faire en sorte de rendre économiquement viables les interventions antigale et de faciliter leur adoption rapide.
Pour en savoir plus :
Des fiches d’aide ont été créées afin de faciliter le traitement de la gale et d’éviter la propagation ainsi que la réinfestation des patients :
- Les bons gestes de traitement contre la gale avec le STROMECTOL® ;
- Les bons gestes de traitement contre la gale avec l’ASCABIOL® ;
- Les bons gestes de traitement contre la gale avec le TOBISCAB®.
Un document rassemblant les trois fiches est téléchargeable en cliquant ici.