Selon un sondage Ifop-Fiducial mené en septembre 2023, 30% des Français se privent de certains aliments, coûteux, ou sautent régulièrement un repas. Dans ce contexte économique tendu, la consommation de viandes, poissons ou produits laitiers est en baisse. Par ailleurs, nous sommes de plus en plus nombreux à réduire notre consommation de viande sans pour autant opter pour un régime végétarien ou végan ("flexitarianisme"). Or les aliments d’origine animale sont la seule source de vitamine B12, indispensable pour la multiplication des cellules et le fonctionnement du système nerveux.
La vigilance en termes de déficit en vitamine B12 est habituellement de mise avec les végétaliens ou végans. Chez ceux-ci, cette vitamine, uniquement présente dans les aliments d’origine animale, doit être apportée par des compléments alimentaires ou des aliments enrichis en vitamine B12.
Les personnes âgées sont également davantage à risque de déficit en vitamine B12, du fait de la diminution de l’acidité gastrique (moindre absorption) et de leurs habitudes alimentaires (moins de viande et de poisson, souvent pour des raisons économiques).
Les personnes qui, pour des raisons économiques liées à la perte de leur pouvoir d’achat, sautent régulièrement un repas (11% des Français selon un sondage Ifop-Fiducial de septembre 2023 ou réduisent l’achat des produits alimentaires les plus chers (comme la viande ou le poisson, 19% des Français selon le même sondage).
Les meilleures sources alimentaires de vitamine B12 sont les abats (notamment le foie), la viande, la volaille, le poisson, les fruits de mer et les produits laitiers. Il existe des exceptions : les œufs, le lait de chèvre et les produits laitiers qui en sont issus en contiennent peu (seulement 0,07 µg B12/100 g dans le lait de chèvre contre 0,24 µg/100 g dans le lait de vache). Le microbiote intestinal contribue modestement à l’apport de vitamine B12.
La vitamine B12 est la seule vitamine systématiquement absente des aliments d’origine végétale. On a cru longtemps que les produits à base de soja (comme le tofu, le miso ou le tempeh), la levure de bière, les céréales et les champignons contenaient de la vitamine B12. Il n’en est rien: ils contiennent en réalité une pseudo-vitamine B12 inefficace (adeninylcyanocobamide). La spiruline contient une faible proportion de méthylcobalamine (active), mais son absorption chez l’homme n’a pas été démontrée en présence de la pseudo-vitamine prédominante.
La vitamine B12 est très peu toxique, les apports en excès étant rapidement éliminés dans les selles et les urines.
Quelles sont les conséquences d’une insuffisance d’apport en vitamine B12?
La prévalence du déficit ou de la carence en vitamine B12 varie fortement selon les populations étudiées, les tests et les seuils utilisés (voir ci-dessous), allant de 1% à près de 15%. Elle augmente fortement avec l’âge.
Les manifestations cliniques et biologiques les plus fréquentes du déficit en vitamine B12 pour une liste exhaustive des symptômes) sont hématologiques (anémie macrocytaire) et neuropsychiatriques (polyneuropathie, ataxie, troubles cognitifs). Le tableau clinique franc reste rare et il s'agit plutôt d' atteintes infra-cliniques avec des taux sériques de vitamine B12 à la limite de la norme.
Les cellules hématopoïétiques étant celles qui se divisent le plus rapidement dans le corps, elles sont les premières à souffrir d’un manque de vitamine B12. Une macrocytose prononcée (volume globulaire moyen supérieur à 115 fL) est très évocatrice d’une carence en vitamine B12 (ou en folates), par rapport aux autres causes possibles (par exemple, un syndrome myélodysplasique, une hypothyroïdie, une maladie hépatique, une alcoolodépendance ou certains médicaments). À noter que l’administration de suppléments de folates (vitamine B9) ayant pour objectif de traiter une macrocytose peut précipiter une carence latente en vitamine B12 (parce que ces vitamines sont cofacteurs de deux réactions biochimiques, l'apport de B9 puise dans les réserves de B12 en facilitant ces réactions) et augmenter les signes neurologiques de celle-ci.
Chez un quart des patients, les atteintes neuropsychiatriques surviennent indépendamment des manifestations hématologiques. Elles sont la conséquence de troubles de la myélinisation, classiquement au niveau des colonnes dorsolatérales de la moelle épinière, et plus rarement de la substance blanche cérébrale, des nerfs périphériques ou crâniens. Chez les personnes âgées, une irritabilité, des troubles de l’humeur, du raisonnement et de la mémoire ont été signalés lors d’insuffisance d’apport en vitamine B12. La carence en folates n’entraîne, quant à elle, pas de troubles neurologiques, y compris du système nerveux central.
Grossesse, allaitement et croissance sont des phases de besoins accrus: un nourrisson allaité par une mère carencée en vitamine B12 peut présenter un déficit sévère se traduisant par un retard de développement et des atteintes neurologiques.
QUI EST A RISQUE D’UNE INSUFFISANCE D’APPORT?
Les personnes qui suivent un régime végétalien, végan ou macrobiotique strict sont particulièrement exposées à des insuffisances d’apport en vitamine B12. Il en est de même pour celles qui souffrent de la maladie de Biermer (anciennement appelée anémie pernicieuse, une maladie auto-immune qui touche certaines cellules de l’estomac) ou celles qui ont subi une intervention chirurgicale de l’estomac destinée à lutter contre l’obésité.
De plus, certains médicaments diminuent significativement l’absorption de la vitamine B12: les inhibiteurs de la pompe à protons, les antagonistes des récepteurs H2 ou la metformine, par exemple. Les sujets âgés absorbent moins bien la vitamine B12 contenue dans les aliments, car l’acidité de l’estomac diminue avec l’âge. Cette particularité, associée à un apport parfois insuffisant (pour des raisons économiques) d’aliments d’origine animale, explique la fréquence des déficits en vitamine B12 dans cette population.
Les personnes qui, sans être végétariennes, choisissent de réduire leur consommation de produits d’origine animale (pour des raisons éthiques, environnementales ou économiques) sont également à risque (moindre) d’insuffisance d’apport en vitamine B12.
Les personnes qui ont une alimentation pauvre en aliments d’origine animale, y compris pour des raisons économiques, ont intérêt à supplémenter leur alimentation en vitamine B12, en particulier les sujets âgés, plus exposés aux déficits d’absorption. Face à un patient précarisé, la question de la consommation d’aliments d’origine animale doit être abordée pour envisager, si nécessaire, une supplémentation, même si les réserves hépatiques peuvent subvenir aux besoins pendant 3 à 4 ans.
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