Quels sont les impacts du vapotage sur le microbiote buccal ?
Le vapotage ou l’usage de cigarettes électroniques connaît une adoption croissante en raison de supposés avantages par rapport au tabagisme conventionnel. Cependant, ses répercussions potentielles sur la santé font depuis peu débat. De récentes études ont par exemple mis au jour des modifications majeures du microbiote buccal. Cela pourrait contribuer à instaurer une flore microbienne enrichie en souches pathogènes pouvant déclencher des réponses immunitaires spécifiques.
Les cigarettes électroniques, ou e-cigarettes, ont initialement été développées dans le but d’appuyer les stratégies de sevrage tabagique. Les avantages seraient notamment obtenus par l’absence ou la réduction des produits de combustion nocifs des cigarettes classiques. Cependant, les liquides contiennent non seulement certains des composés toxiques des cigarettes conventionnelles, mais également des composés chimiques uniques au vapotage.
Les aérosols libérés par les e-cigarettes contiennent de la nicotine à des concentrations très variables, mais aussi d’autres substances telles que l’acétaldéhyde, l’acroléine, le formaldéhyde, le propylène glycol, la glycérine, l’éthanol, l’acétol et l’oxyde de propylène. Alors que les effets de la nicotine sur la santé sont bien établis, on en sait beaucoup moins sur les autres composés.
Malgré les inconnues, le vapotage est une pratique toujours plus répandue, surtout chez les jeunes. Des enquêtes ont par exemple révélé qu’aux États-Unis, l’usage d’e-cigarettes est désormais plus courant chez les adolescents que celui de cigarettes traditionnelles. Les raisons de cette croissance sont probablement associées à un effet de mode, ainsi que la conception d’une large gamme de cigarettes électroniques attrayantes pour les jeunes (en forme de stylo, de clé USB, etc.) ou encore à la mise à disposition d’une grande variété d’arômes convenant à tous les genres et à tous les âges. Leur usage pourrait aussi partiellement atténuer la stigmatisation associée au tabagisme classique.
Les rares travaux explorant les effets des cigarettes électroniques sur la santé ont démontré que les composants de leurs aérosols adhéraient aux parois des structures du tube digestif supérieur et des voies respiratoires. Ces structures incluent la cavité buccale, la cavité nasale et les poumons, la communauté microbienne buccale et parodontale étant les premières exposées.
Cependant, dans quelle mesure exactement les cigarettes électroniques peuvent-elles affecter la flore microbienne buccale? Quelles en seraient les implications pour notre santé? En effet, il est important de savoir que la cavité buccale constitue la porte d’entrée principale pour de nombreuses espèces microbiennes colonisant les voies respiratoires et gastro-intestinales. L’altération du complexe microbien buccal pourrait ainsi avoir des conséquences potentiellement délétères à la fois locales et généralisées.
Une pratique favorisant la croissance de souches microbiennes pathogènes
Composé de plus de 700 espèces de bactéries, le microbiote buccal constitue la deuxième plus grande population microbienne de notre organisme après celle de l’intestin. Il possède à la fois des caractéristiques uniques et communes avec les microbiotes des systèmes respiratoires, gastro-intestinal et génito-urinaire. D’autre part, la cavité buccale forme un habitat incroyablement complexe, au niveau duquel les communautés microbiennes colonisent à la fois les tissus mous de la muqueuse buccale et les tissus durs des surfaces dentaires.
Le profil microbien de la cavité buccale peut se modifier dynamiquement tout au long de la vie, sous l’influence de nombreux facteurs tels que l’alimentation, l’exposition à des médicaments, la santé immunitaire, l’hygiène buccodentaire ainsi que l’exposition aux produits à base de nicotine.
Une étude longitudinale évaluant les effets des e-cigarettes sur la communauté microbienne de la plaque sous-gingivale humaine (SGP) a suggéré que leur usage favorise la croissance d’un microbiote parodontal unique. Les caractéristiques de celui-ci se situeraient entre celles des fumeurs conventionnels et celles des non-fumeurs.
Cela suggère une modification majeure dont les impacts sur la santé bucco-dentaire seraient fondamentalement différents de ceux du tabagisme classique. La parodontite, en particulier, est provoquée par la perturbation du microbiote tapissant l’espace entre les dents et les tissus gingivaux. Cela déclenche des réponses inflammatoires et immunitaires pouvant potentiellement entraîner une perte de dents, une détérioration des os maxillaires ainsi que des maladies systémiques. Le microbiote parodontal des utilisateurs d’e-cigarettes aurait des signatures immunitaires spécifiques.
Ces résultats concordent avec ceux d’une autre série d’études suggérant que les modifications induites par les e-cigarettes sur le microbiote buccal pourraient favoriser la croissance de souches pathogènes. L’une d’elles a récemment mis au jour des dépôts de biofilms favorables à la croissance de bactéries telles que Streptococcus mutans, principalement impliquées dans les caries dentaires. Une surabondance des souches Porphyromonas et Veillonella a également été relevée dans les échantillons salivaires de vapoteurs. Faisant partie intégrante du microbiote buccal naturel, ces souches peuvent provoquer une inflammation des gencives en devenant dominantes par rapport aux autres souches. En outre, une présence élevée de cytokines inflammatoires a également été détectée chez ces utilisateurs d’e-cigarettes.
Dans l’ensemble, la plupart des études suggèrent que l’utilisation d’e-cigarettes augmente les risques de dysbiose microbienne buccale, pouvant potentiellement conduire à des maladies buccales et parodontales. Bien que plus des recherches soient nécessaires pour explorer plus avant cette association, les médecins appellent à la prudence quant à l’utilisation de ces dispositifs, surtout chez les jeunes.
Sources : BMC Microbiology, ASM Journals