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Peut-on être contaminé par un savon?

Notamment, un savon dans un lieu public

La probabilité de contamination d’un savon est intrinsèquement liée à sa composition, qui détermine son pH et sa teneur en eau libre. La plupart des bactéries pathogènes se développent à un pH proche de la neutralité (pH~ 7) avec une tolérance entre 6 et 9. A contrario, un milieu dont le pH est très acide ou très basique ralentit leur croissance.

Les savons solides, basiques, présentent donc un risque de contamination faible. Ils ne peuvent héberger des microorganismes ni dans leur masse, ni en surface, tant et si bien que la législation en cours via la norme ISO 29621 a établi que l’ajout de conservateurs n’était pas nécessaire. Ainsi, il n’y a pas de risque à utiliser un savon solide qui s’éterniserait sur un évier ou un lavabo dans les conditions classiques d’utilisation.

La teneur en eau libre (AW= activity of water), susceptible d’être utilisée par les enzymes du métabolisme microbien, a également un impact sur la prolifération microbienne. Plus l’AW d’un produit est élevée et plus ce dernier sera propice au développement de microorganismes. De pH neutre, avec une AW élevée, les gels moussants et les savons liquides sont à risque de contamination, et c’est pour cela que les fabricants industriels y ajoutent des conservateurs. Leur efficacité est évaluée grâce à un test standard normatif (challenge test, norme ISO 11930), afin de garantir que la croissance microbienne est limitée dans des conditions normales de stockage et d’utilisation pendant la durée de vie du produit.

DISTRIBUTEUR DE SAVON LIQUIDE DANS UN ESPACE PUBLIC

Plus riche en eau, gel moussant et savon liquide en distributeur sont plus à risque que les pains de savon. Mais cela reste très faible. Antoni Halim/Shutterstock

Quelle que soit la forme du savon, leur fabrication industrielle requiert de respecter de bonnes pratiques de fabrication (BPF), qui comprennent des contrôles microbiologiques et des tests quand c’est nécessaire, pour évaluer les agents conservateurs. Ainsi, il n’y a pas de risque à utiliser des savons industriels.

Que penser des ventes de savon liquide en vrac? Un vrai défi pour les points de vente qui assurent le conditionnement et se doivent de garantir le respect de la règlementation ! Ils doivent eux aussi appliquer les bonnes pratiques de fabrication (BPF), disposer de Dossiers d’Information sur les Produits (DIP), notifier les produits et mettre leur nom sur les étiquettes.

Depuis la loi AGEC relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, les professionnels sont tenus d’accepter les contenants des consommateurs dès lors qu’ils ne sont pas sales ou inadaptés. Le Code de la consommation, article L.120-1, autorise la vente en vrac de produits de consommation courante, sauf exception justifiée par des raisons de santé publique. L’article L.120-2 prévoit quant à lui qu’un affichage en magasin informe les consommateurs sur les règles de nettoyage et d’aptitude des contenants réutilisables.

Voilà pour la théorie, qui sous-entend des gérants au fait de la législation, et une attention particulière des autorités sanitaires.

DES CAS DE CONTAMINATIONS TRES RARES

De rares contaminations peuvent toutefois survenir. Elles trouvent leur origine au niveau industriel, en lien avec des dysfonctionnements des procédés de production, de conditionnement et de stockage qui favorisent le développement de souches de bactéries résistantes en milieu basique comme Cellulosimicrobium, Dietzia, Arthrobacter et Micrococcus (dont le potentiel virulent est peu étudié). L’installation d’équipements de purification d’air et de filtration de l’eau peut apporter un réel bénéfice pour éliminer ce risque.

Quelques rares cas ont été documentés. Des contaminations de Nesterenkonia lacusekhoensis (Micrococcus) ont par exemple été observées en 2016 au Canada sur des savons de Castille, suite à un changement d’odeur. Ces bactéries aérobies vivent dans des environnements extrêmes à des températures supérieures à 30 °C, sols et eaux hypersalés alcalins, sols désertiques. Bien qu’elles soient peu pathogènes, les savons ont été retirés du marché à la demande du gouvernement canadien.

Les savons de Castille sont spécifiques car fabriqués selon la technique de saponification à froid, lente et moins polluante en comparaison de la saponification à chaud utilisée pour les savons de Marseille et d’Alep. Ce qui en a fait un milieu de choix pour N. lacusekhoensis. Cependant, à l’heure actuelle, aucune étude ne démontre l’influence de la technique de saponification à froid ou à chaud sur le niveau de risque de contamination.

D’autres cas de contaminations ont été observés dans des distributeurs de savons liquides et de gels moussants dans l’espace collectif (restaurants ou toilettes publiques). Ici, c’est l’étape de rechargement des distributeurs qui est critique, dans la mesure où elle favorise la pollution par des bactéries fécales dont certaines, comme Escherichia coli, peuvent être responsables de gastro-entérites. Pour éviter ce phénomène, les autorités sanitaires préconisent le nettoyage et la désinfection des distributeurs avant le rechargement.

UN RISQUE TRES LIMITE

En synthèse, les contaminations de tous ces produits d’hygiène des mains sont très rares, tout comme les risques de transmission de maladies infectieuses par leur biais.

Les savons ont un rôle nettoyant et enlèvent l’ensemble des matières organiques à la surface de la peau, y compris les microorganismes. Leur rôle est donc bien différent de celui des produits hydroalcooliques, qui ne lavent pas mais désinfectent (quand la peau est débarrassée des saletés).

Le savon reste ainsi le moyen le plus simple et le plus efficace pour prévenir la propagation des infections… À utiliser tout de même avec modération, car les lavages excessifs fragilisent le microbiote cutané et le film hydrolipidique de la peau, qui aura plus de difficulté à lutter contre les invasions microbiennes.

Il est mieux de passer un peu d'eau savonneuse sur le robinet, d'essuyer ses mains après lavage avec un papier propre plutôt qu'un torchon ou en les frottant sous l'air chaud. Il est necessaire alors de changer le torchon au moins tous les jours ou plusieurs fois par jour si l'on est en période d'épidémie et si le torchon est utilisé par plusieurs personnes.

Ne jetez pas le papier essuie-main: utilisez-le pour ouvrir et fermer la porte des lavabos.

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