Un peu d'histoire: Selon les uns (Chapelet), le pays de Cocagne est la partie du Languedoc qui composait l'ancien duché de Lauraguais. C'est là que se fabriquaient des pains coniques formés avec la feuille écrasée du pastel, et désignés sous le nom de coques ou coquaignes de pastel. Los coquaignes qui servaient à la teinture ont été pendant longtemps une source de richesse pour le pays.
On reparlera bientôt du Pastel...
De là est venu l'usage de comparer les pays riches et heureux au pays où se fabriquaient les coquaignes, au pays de coquaignes. En répétant le mot, on a forcé l'idée, et pays de cocagne a fini par être synonyme de félicité parfaite.
Suivant d'autres, c'est-à-dire suivant M. Génin, ce bienheureux pays de Cocagne est, ou plutôt était l'Italie. Autrefois, au XVIème et au XVIIème siècle, il y avait à Naples une montagne figurant un Vésuve d'où jaillissait a profusion du macaroni, de la viande et des saucisses que les gens du peuple se disputaient. Cette réjouissance s'appelait une cocagne, en italien coccagna, du vieux français cocquaigne, qui signifie contestation, dispute.
Cette explication, si elle était la bonne, aurait le mérite de rappeler l'origine de notre Mât de cocagne (prochaine note) car, aujourd'hui que l'idée de lutte a disparu, et que le mot cocagne est devenu synonyme d'abondance et de plaisir, le nom de mât de cocagne est un peu ironique. Il y a bien là-haut, en effet, des richesses que l'on vous offre, mais il faut les aller chercher, et ce n'est jamais sans beaucoup de peine qu'on arrive à ce résultat.
Le mot cocagne semble promettre des jouissances plus faciles; le mât savonné ne permet guère de citer le proverbe qui sert à caractériser l’abondance:
"Il n’y a qu’à se baisser et en prendre."
L’étymologie du nom a été très discutée
Aux Pays-Bas, on a dit qu’il venait de celui de la ville de Kockengen dans la province d’Utrecht, ou bien de l’expression "het land van de honingkoeken:" le pays des gâteaux de miel».
Le mot anglais "cockaigne" serait attesté dès 1305 environ, issu de l’ancien français"coquaigne». Lui-même est d’origine obscure : provient-il de mots hérités du latin"coquere","cuisiner"(par exemple l’anglais "to cook") ou bien d’autres mots germaniques désignant les gâteaux, comme l’anglais "cake", le wallon "couque", etc.?
Mais les "coques" ou "coquaignes" désignent aussi des petits pains de pastel fabriqués dans le Lauragais en Languedoc à partir d'une plante appelée le pastel, dont était extraite une teinture bleue (d'où le bleu pastel). Elles firent la fortune de ce pays et lui donnèrent le surnom de Pays de cocagne. Cette couleur est aussi dite "bleu de Cocagne". L'expression remonterait au début du XIIIe siècle et évoque déjà toute la richesse symbolisée par le pastel dans l'économie du Lauragais et de l'Albigeois où la plante fut cultivée et sa teinture commercialisée.
Le Pays de Cocagne est, dans l'imaginaire européen, une sorte de paradis terrestre, une contrée miraculeuse dont la nature déborde de générosité pour ses habitants et ses hôtes. Loin des famines et des guerres, Cocagne est une terre de fêtes et de bombances perpétuelles, d'inversion des valeurs et des lois naturelles, où l'on prône le jeu et la paresse, et où le travail est proscrit.
Les frontières terrestres du Pays de Cocagne sont faites de montagnes de bouillie ou de gelée. Une fois arrivé dans cette contrée paradisiaque, on peut s’attendre à ce que les cailles nous tombent toutes rôties dans le gosier, comme le fait le soldat situé à gauche du tableau, bouche grande ouverte, et néanmoins protégé par un toit couvert de tartes. On y voit des oies qui viennent se jeter toutes cuites sur les plats, des cochons qui accourent vers nous lardés d’un couteau et des cactus formés de galettes, des œufs à la coque qui courent…
Ici les soldats ont déposé leurs armes, les agriculteurs leur fléau, les étudiants se couchent sur leurs livres, pour une trêve perpétuelle sous les auspices d’une nature généreuse. Le pays de Cocagne peut être vu comme une expression de l’aspiration à la prospérité universelle, à la paix et à l’égalité, un paradis terrestre, une utopie
Dans son livre La faim et l’abondance, Massimo Montanari situe la naissance du mythe de Cocagne entre le XIIe et le XIVe siècle. On trouverait une des plus anciennes références dans les Carmina Burana, ces chants de clercs vagabonds rebelles et défroqués qui célébraient le vin, l'amour libre, le jeu et la débauche (les Goliards).
Un personnage s’y présente comme l’abbé de Cocagne: "Ego sum abbas cucaniensis". En 1250 environ, un texte en ancien français intitulé le Fabliau de Coquaigne décrit ce pays de fêtes continuelles, du luxe et d’oisiveté, où plus on dort et plus on gagne.
Cocagne vient selon les uns du canton de Cuccagna en Italie, sur la route de Rome à Loreto; selon d'autres, du poète macaronique Teofilo Folengo, surnommé Merlin Coccaie, qui dans ses vers aurait décrit ce pays délicieux; ou enfin d'une fête instituée à Naples sous un nom analogue, dans laquelle on distribuait au peuple des comestibles et du vin.
Notre pays de cocagne est universellement connu:
Dans le film d'animation Disney Pocahontas, le héros John Smith parle du nouveau monde comme de "cette terre de cocagne".
Georges Brassens, dans sa chanson “Auprès de mon arbre“, appelle son arbre “mon mât de cocagne“. Dans les fêtes de village, le mât de cocagne, attraction traditionnelle, était un poteau savonné en haut duquel on accrochait des jambons, des bouteilles et autres friandises que les jeunes montaient décrocher à leurs risques et périls et au grand amusement de la foule.
Il a aussi écrit “Je bivouaque au pays de Cocagne“, texte mis en musique par Joël Favreau. En 1965, Jeanne Moreau chante également “Vie de Cocagne,“ sur un texte et une composition de Serge Rezvani.
Jacques Brel, dans sa chanson Le Plat Pays nous dit “Avec des cathédrales pour uniques montagnes et de noirs clochers comme mâts de cocagne“
Ne croyez surtout pas que les gens d'ici soient des fainéants et que tout leur est donné… le pays de Cocagne est un pays imaginaire. Un paradis que l'on voudrait bien connaître pour aller s'y nicher et ne plus jamais avoir de problèmes.
Comme disait l'autre, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Chez nous comme là-bas; comme chez toi et chez les autres.
Symbolisme: le pastel